Pourquoi ce colloque

Les premiers travaux de recherche sur les situations d’apprentissage instrumentées portaient sur l’utilisation de machines. Mais, très rapidement, la calculatrice, puis l’ordinateur dans ses diverses configurations ou formats (micro-ordinateur, tablette… isolé ou en réseau…), est devenu le principal, sinon l’unique artefact considéré dans les travaux des chercheurs sur cette thématique, même s’il est souvent camouflé sous des acronymes divers (CSCL, EIAH, EVAH…).

Les premiers travaux sur l’analyse de l’activité de travail ou d’apprentissage ont aussi amené à considérer trois types de situations conçues en référence à des modèles de processus d’apprentissage et de développement des compétences : l’avant (briefing), le pendant (l’interactivité) et l’après (débriefing). L’avant et l’après sont aujourd’hui très souvent oubliés, au profit de l’étude de la seule situation d’interactivité.

L’usage d’artefacts, qu’il soit issu d’un processus de conception en référence à une discipline ou à une activité professionnelle, est de plus en plus mobilisé par les enseignants pour faire apprendre, et les apprenants eux-mêmes le demandent. 

Aujourd’hui, les environnements d’apprentissage dans l’enseignement supérieur ou dans l’entreprise sont très divers, et les artefacts qu’ils contiennent, et qui sont mobilisés comme instruments dans les situations d’apprentissage, sont multiples, et se combinent en systèmes de ressources, tant matérielles que symboliques et humaines. Les équipements de simulation en santé, de réalité augmentée pour accompagner l’activité humaine, les jumeaux numériques d’installations industrielles, les fablabs et les laboratoires de prototypage, les salles équipées pour l’utilisation de la réalité virtuelle... voire les « environnements personnels d’apprentissage » construits par les apprenants eux-mêmes, sont des exemples de ces nouveaux environnements d’apprentissage. Ils combinent à la fois des espaces aux caractéristiques spécifiques et des artefacts ou des systèmes d’artefacts matériels ou numériques qui servent de supports aux dynamiques d’utilisation et d’usage associées afin d’apprendre, de comprendre et de construire des compétences.

Comprendre les situations d’apprentissage instrumentées qui mettent en œuvre de tels environnements soulève de nombreuses questions, et cela à deux niveaux. 

Au premier niveau, il s’agit de questions concernant les situations elles-mêmes et l’effet de ces artefacts. Elles peuvent être génériques, comme par exemple : Comment se déroulent des « genèses instrumentales » avec de tels systèmes ? Sont-elles repérables et ce repérage est-il utile pour améliorer les apprentissages ? Sont-elles équivalentes pour tous ? Faut-il apprendre à utiliser les éléments de l’environnement avant de s’en servir pour atteindre d’autres objectifs d’apprentissage ?  A quelles conditions ces situations permettent-elles d’atteindre les objectifs d’apprentissage et le développement des compétences visées par un maximum d’apprenants ?

Des questions plus spécifiques sont liées aux caractéristiques d’un environnement particulier : une plateforme physique et son jumeau numérique permettent-ils les mêmes apprentissages ? Les différentes conditions d’immersion possibles avec les équipements de réalité virtuelle (cave, casque, grand écran…) permettent-elles les mêmes apprentissages ? Sinon, quelles sont les différences ? La cohabitation d’activités réalisées par des élèves de différents niveaux ou de différents cursus et des salariés d’entreprises dans un fablab produit-elle des effets et lesquels ? Dans un environnement comme le fablab, faut-il systématiquement inclure la situation de conception dans la situation d’apprentissage ? Que devient le rôle de l’enseignant ou du formateur dans de tels environnements ? Comment l’enseignant gère-t-il des situations d’apprentissage où l’apprenant produit des artefacts complémentaires qui deviennent « instruments » pour l’apprentissage de ses pairs ? Comment se transforme « l’agir enseignant » dans ces configurations ? Comment se modifie le pouvoir d’agir des apprenants ? 

 Au deuxième niveau, la complexité de ces environnements, et le fait que les situations impliquent souvent plusieurs acteurs, avec des profils ou fonctions différents, amène à se poser des questions sur le ou les cadre(s) théorique(s) à mobiliser. Ces configurations n’obligent-elles pas à renouveler l’outillage conceptuel permettant de les étudier ? Faut-il aborder l’étude d’une situation dans son ensemble, ou faut-il la décomposer et comment ? Faut-il séparer l’étude des relations à l’espace et aux objets de celle des relations interpersonnelles ? Comme l’affirme Rabardel (2005), cette approche par l’activité instrumentée et/ou médiatisée relève davantage d’une approche anthropologique d’un sujet pragmatique et capable que de celle d’un sujet épistémique et connaissant. Cela engage le point de vue d’un sujet qui dit « je peux » avant de dire « je sais », car son approche de la connaissance est gouvernée par l’action à laquelle son activité est subordonnée. Quelles possibilités d’un développement du pouvoir d’agir des acteurs dans ces environnements ? 

Construire ces nouvelles situations d’apprentissage instrumentées pose aussi des questions de conception spécifiques, comme par exemple : Quelles sont les « orchestrations instrumentales » à développer pour faciliter l’appropriation, par tous les apprenants, du système d’instruments en vue des apprentissages à réaliser ? S’il s’agit d’un environnement de simulation ou d’un jumeau numérique, apparaissent d’autres questions : quel degré de fidélité à la situation réelle est-il nécessaire pour atteindre tel objectif d’apprentissage ?  S’agit-il d’une fidélité à la tâche, à l’artefact utilisé dans le travail, à l’environnement de travail? Quelle « problématicité » définir et quelle interactivité accompagner? Quelles sont les transpositions nécessaires pour qu’il y ait apprentissage et développement des compétences? Comment apprendre à maitriser des situations collectives avec ou par un instrument ?  

A toutes ces questions, il y a aujourd’hui peu de réponses, qu’elles proviennent de chercheurs ou d’expérimentations, d’où la proposition d’un colloque qui permettrait de faire un point d’étape sur ce champ de recherches et d'ingénierie.

Les objectifs de ce colloque sont les suivants.

  1. Identifier et mobiliser les chercheurs du domaine afin de faire émerger une communauté scientifique, si possible internationale, en lien avec la thématique du colloque ;
  2. Créer une dynamique interdisciplinaire de recherche sur les nouvelles situations d’apprentissage instrumentées, ce domaine étant susceptible d’être investi à la fois par les sciences de l’éducation et de la formation, la psychologie cognitive, la sociologie, l’ergonomie, les didactiques, l’informatique, les sciences de l’information et de la communication…
  3. Favoriser la rencontre et l’enrichissement mutuel entre les chercheurs et les professionnels du domaine (formateurs notamment), en proposant à la fois des communications scientifiques et des témoignages de pratiques innovantes ou d’expérimentations.
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